Jeudi 31 Mars Séance n°6
English version
Double dose d’hôpital aujourd’hui – le rendez-vous habituel avec Schwarzy, le Terminator, plus une visite chez le Dr Érection.
Non, bien sûr que ce n’est pas son vrai nom, mais cela décrit bien ce qu’il fait. Le Docteur Érection est un spécialiste du « bambou ». Si Monsieur Bambou est mal en point, il va essayer de vous le réparer.
Le mien se porte plutôt bien pour le moment, mais je voulais quelques conseils sur ce que je devais faire pour limiter les dégâts, face au bombardement de rayons X que subit actuellement la partie basse de mon corps.
Je sais déjà qu’il y a 60 à 70% de risque que mon voyage au pays des rayons me laisse définitivement impuissant.
L’impuissance est un sujet que la plupart des gens n’aiment pas aborder. Personnellement, cela ne me dérange pas. Si vous n’êtes pas choqué par la chose, continuez votre lecture. Si cela vous gêne un tant soit peu, et bien, revenez demain !
Vous êtes toujours là ? Parfait.
Le médecin m’a donc conseillé de continuer à prendre mes comprimés de Cialis (en augmentant légèrement la dose), de recommencer à utiliser la pompe à vide et de continuer à faire mes exercices du plancher pelvien. L’objectif étant de préserver la circulation sanguine, le tonus musculaire ainsi que… la longueur du pénis (!), autant que possible. En faisant tout cela, si jamais cela se passe mal, les différents traitements disponibles auront une meilleure chance de succès.
J’ai déjà eu recours aux services du Dr Érection – après que l’opération pour enlever ma prostate cancéreuse m’ait laissé avec ce qu’on appelle cliniquement des troubles de la fonction érectile.
Je ne me suis jamais considéré comme un macho. Je n’ai jamais pensé que mon identité soit définie par mon zgeg ou par sa taille.
Je n’aurai donc jamais imaginé être à ce point déboussolé quand je me suis trouvé incapable d’obtenir une érection.
C’est d’autant plus incompréhensible que ma fabuleuse partenaire a fait un travail fantastique en me poussant à découvrir de nouvelles façons de nous exprimer notre amour.
Sans vouloir trop entrer dans les détails, je tiens à dire deux choses importantes à ceux qui sont confrontés à l’impuissance, de près ou de loin.
Tout d’abord, on peut très bien avoir un orgasme sans érection.
Et surtout, même si les rapports sexuels sont sans pénétration, il est tout à fait possible d’éprouver cette extraordinaire sensation de fusion, l’essence-même de la passion que l’on ressent en faisant l’amour.
Mais malgré tout cela, malgré toutes les nouvelles sensations extraordinaires que nous avons pu éprouver, malgré la diversité et l’imagination dans la façon de nous exprimer notre amour, je me suis senti diminué.
Cela a un peu porté ombrage à l’excellente récupération de l’opération que j’ai eue par ailleurs. Une fois le cathéter enlevé, je n’ai quasiment pas eu de problèmes d’incontinence. Semaine après semaine, je me suis senti de plus en plus fort et en forme, même si j’éprouvais régulièrement le besoin de faire une sieste au cours de la journée.
Et pourtant, pourtant…
Il me manquait quand même quelque chose.
J’ai donc facilement trouvé la motivation pour faire mes exercices du plancher pelvien, six fois par jour. Et aussi pour supporter l’humiliation quelque peu comique provoquée par l’utilisation quotidienne de la pompe.
Au bout d’environ quatre mois, cela a commencé à porter ses fruits et mes problèmes d’érection ont commencé à s’arranger. Et par la même occasion, la sensation d’être diminué ou estropié s’est estompée.
La vie n’était plus tout-à-fait la même ; vos orgasmes changent sans éjaculation (la fonction principale de la prostate est de produire le liquide séminal, donc une fois qu’on vous l’a retirée, vous ne pourrez plus jamais éjaculer). Mais la vie était belle.
Voilà pourquoi j’ai du mal à envisager l’éventualité que Monsieur Bambou me laisse de nouveau en plan, cette fois de façon permanente. Je peux faire face à l’idée de rapports sexuels sans pénétration. Ce que je redoute, c’est d’éprouver à nouveau cette sensation d’être diminué, comme estropié.
Comme je l’ai déjà expliqué, il n’a pas été facile de décider d’entreprendre ce voyage. Mais je me suis aperçu qu’en fin de compte, ce que je redoutais le plus, c’était de laisser ces saloperies de cellules cancéreuses encore actives libres de continuer à se multiplier.
Alors on continue le chemin en sifflant joyeusement, d’un pas vif et léger, plein de subtiles promesses.